ARTZ – 27.09.2023 – Méthodologie

CAMP DE BORLETTE, CAMP PERRIN

Paolo WOODS
2012

On voit une baraque à la façade colorée au centre de la photographie. Elle semble posée sur des cailloux, au bord d’un champ. Un ciel chargé apparaît entre les arbres de l’arrière-plan. Un chemin au bout duquel on voit des enfants occupe le tiers supérieur de l’image.

La baraque arbore en lettres peintes de toutes les couleurs les mots « Charitus Bank ». Son tenancier, accoudé sur un petit comptoir bleu, fixe l’objectif. Une petite fille vêtue d’un chapeau de paille s’appuie contre ce décor joyeux et fragile. Un soleil bas venant de gauche éclaire la scène.

Il s’agit d’un bureau de loterie en Haïti. Le mot « Borlette » est typiquement haïtien, mais c’est à partir d’une forme de loterie à Cuba appelée « bolita » que les Haïtiens forment le mot « Borlette » dans les années 1980.

« On dirait qu’une affiche a été posée devant le vrai décor ! »

La légende rédigée par le photographe Paolo Woods au sujet de son cliché nous donne les indications suivantes :

«Un bureau de ‘borlette’. Deux milliards de dollars sont investis chaque année par les Haïtiens dans ces loteries privées, près d’un quart du PIB national. Elles sont souvent appelées ‘banques’ parce que les classes défavorisées y investissent leur argent (…).»

Les visages éteints des personnages contrastent avec la gaieté des couleurs vives de cette baraque intrigante. Cette photo montre les économies « parallèles » développées par les Haïtiens cherchant des solutions contre la défaillance des institutions à régler les problèmes de pauvreté. Le regard de Woods met en valeur la gaieté des couleurs de la baraque, tout en montrant de manière objective ces pratiques spontanées de la population pour sortir de la misère. Le fond et la forme, traités en opposition, renforcent le message de l’artiste : la composition de l’image soutient ici le thème traité par Paolo Woods.
Cette photographie appartient à la série STATE/ETAT, issue d’un long séjour en Haïti entre 2010 et 2013. Né en Italie de parents canadiens et hollandais, il a d’abord fondé une galerie d’art puis il s’est consacré à la pratique de la photographie.
« L’esthétique ne me touche pas, je ne peux pas dire que c’est beau mais ça laisse passer quelque chose qui nous fait réfléchir à la vie des gens. »
Il enquête sur des sujets économiques et politiques souvent difficiles et tragiques, comme les industries pétrolières, les paradis fiscaux ou les guerres. Il travaille fréquemment aux côtés de journalistes de presse.